#9 Les réseaux sociaux : Pour une sociabilité libérée ?

On a vu, lu, entendu beaucoup de choses sur les réseaux sociaux, notamment à propos de leur dangerosité. Nous essayerons de comprendre pourquoi nous les utilisons autant et voir quels sont les facteurs qui peuvent nous nuire dans leur utilisation.

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Transcription

Guillaume : Bonjour à tous et à toutes, Bienvenue dans ce nouvel épisode de Micro-Ondes Cérébrales, le podcast qui réchauffe vos méninges. Moi c'est Guillaume et je suis avec Mélissa. Salut Mélissa !

Melissa : Salut !

Guillaume : Alors dans cet épisode, nous allons tout simplement, j'ai envie de dire, vous parlez des médias qui ont changé nos vies en quinze ans à peine : les réseaux sociaux.

Ces dernières années, on a vu, lu, entendu beaucoup de choses sur les réseaux sociaux, notamment à propos de leur dangerosité, à travers notamment la création d'addictions. Alors dans cet épisode, on va essayer de comprendre pourquoi on les utilise autant, et voir les différents facteurs qui peuvent nous nuire dans leur utilisation. 

Ensuite, comme d'habitude, on vous donnera un petit guide de compréhension des usages de nos réseaux sociaux favoris. 

En tout cas, ce qui est clair, c'est que toi comme moi, Melissa, on doit consulter les réseaux sociaux chaque jour, même plusieurs fois par jour. Rien que le temps d'écrire cette introduction, j'ai dû checker tweeter au moins deux fois, je pense. 

On peut quand même dire qu'il y a une certaine forme d'addiction, non ? Pourquoi on a le sentiment qu'on en a autant besoin ?

Melissa : Oui, même en incluant toutes les autres motivations pour être sur internet, c'est bien l'utilisation des messageries qui dépasse toutes les autres activités en terme de temps passé sur internet. C'est même plus de temps que le fait de regarder des vidéos. Donc on voit à quel point les interactions sociales sont au cœur de la connectivité. 

Dans ce contexte, c'est facile d'aimer les réseaux sociaux car nous sommes avant tout des animaux sociaux. 

Notre cerveau est câblé pour être social et les réseaux sociaux viennent combler tous ces besoins.

Mais cette nécessité du social n'est pas né avec les réseaux puisque c'est un besoin qui existe depuis la nuit des temps. Lorsqu'on est enfant, l'affection que l'on reçoit contribue à notre développement cognitif, et celui-ci est endommagé, a des déficits, si on ne reçoit pas suffisamment d'affection. 

On a aussi pu prouver que lorsqu'on a des comportements qui vont être pro-sociaux, c'est à dire que l'on va vers les autres, qu'on a de l'empathie, qu'on aide les autres, on a des activités cérébrales qui nous font du bien, c'est-à-dire notamment avec l'implication du réseau du plaisir.

On a pu prouver que lorsqu'on a des comportements pro-sociaux, cela génère des activités cérébrales qui nous font du bien, notamment avec l'implication du réseau du plaisir.

Si on a l'expérience d'un rejet social, en revanche, même le simple fait de ne pas être sollicité dans une équipe, dans un jeu, donc on ne parle pas d'un rejet social extrême, on a tout de même déjà des activités cérébrales qui vont apparaître, et qui en fait sont en partie similaires à celles de la douleur physique.

Donc finalement, le cerveau s'active même quand il y a un rejet social, au même titre que quand on a une douleur physique. 

Le rejet social est comparable dans notre tête à une douleur physique.

Guillaume : D'accord, effectivement, je pense qu'on a en tout cas beaucoup eu l'expérience de cette fameuse sélection dans une équipe sportive et où on arrive dans les derniers parce qu'on n'est pas le meilleur au foot ou au basket.

Melissa : Ça fait mal !

Guillaume : Exactement ! Donc si je dézoome un petit peu de manière générale dans la vie, notre cerveau, pour bien aller, il doit avoir des interactions sociales positives. Le fait d'aider les autres nous récompense. 

Mais là, je fais un petit peu un pas de côté quelque part, mais : est ce que la gentillesse gratuite, authentique, désintéressée, est -ce-qu'elle existe vraiment finalement ?

Melissa : Alors au départ, oui, puisqu'il y a de toute façon l'intention. Donc c'est plutôt une fois qu'on a aidé qu'on est déjà en train d'aider, qu'on a vraiment du plaisir. Par contre, voilà, on peut vraiment se dire que finalement, le karma c'est probablement aussi dans le cerveau.

Ce qui est sûr, c'est que les relations sociales positives nous font vraiment du bien, notamment physiquement.

Guillaume : Si on revient de nouveau aux réseaux sociaux, les rapports qu'on va y avoir peuvent quand même souvent nous paraître superficiels : puisqu'à distance, puisque par le biais d'applications de moyens dématérialisés…

Comment ça se fait qu'on puisse y trouver notre compte au final, voire même parfois peut être plus qu'en réel ?

Melissa : Oui, ce sont des points de vue, des a prioris assez courants puisque c'est vrai que sur les réseaux sociaux, on peut passer beaucoup de temps parfois avec des gens que l'on connaît pas vraiment, et avec des interactions qui paraissent pas aussi riches que dans le réel. 

Cela va permettre tout de même d'amener deux facteurs. Le premier, c'est celui du dévoilement de soi. Sur les réseaux sociaux, les gens ne nous connaissent pas toujours en présentiel, donc on se dévoile plus facilement, de manière plus sincère. C'est plus facile. Ça permet aussi d'exprimer des marqueurs d'identité : l'appartenance à une communauté, le fait de supporter une équipe sportive, le fait d'aimer tel et tel loisir.

Sur les réseaux sociaux, les autres ne nous connaissent pas toujours en présentiel, on se dévoile donc plus facilement, de manière plus sincère.

Et ça, c'est aussi clé dans le développement de sa personnalité. On peut exprimer des opinions, des préférences, l'appartenance à des groupes de manière facile, subtilement ou explicitement. On a toute une gamme de possibilités pour pouvoir s'exprimer à notre guise. Donc, ça c'est quelque chose qui va vraiment contribuer à notre bien-être psychologique.

Le deuxième facteur que ça va amener avec les interactions en ligne, c'est le capital social. Le capital social fait, c'est tout ce que les relations sociales peuvent nous apporter de bien dans la vie. Et là, on parle aussi bien des relations avec des proches, c'est-à-dire des gens vers lesquels on peut se tourner si on a un problème affectif.

Et puis après on a dans les relations sociales, des relations plus légères qui existent aussi dans la vraie vie, mais qui viennent aussi apporter dans notre qualité de vie, avec donc des relations qui peuvent nous apporter soit des informations particulières, liées à des centres d'intérêt ou à des objectifs de vie, de la simple stimulation intellectuelle, des groupes de soutien aussi parfois (quand on a des expériences qui vont être très particulières, comme des maladies rares ou des contextes familiaux très particuliers). 

Les réseaux sociaux vont nous apporter aussi des informations spécifiques, liées à nos centres d'intérêt ou à nos objectifs de vie, voire même simplement nous stimuler intellectuellement.

Et ça, c'est aussi quelque chose que les réseaux viennent faciliter avec le fait de pouvoir rencontrer très facilement des personnes qui partagent les mêmes intérêts. Donc on a vraiment deux facteurs.

Donc le premier, c'est celui du dévoilement de soi, donc qui permet vraiment finalement d'avoir parfois plus de sincérité très vite sur internet, on l'avait vu dans l'épisode sur le dating. Et puis après effectivement, on a ce capital social où il ne faut pas négliger donc les relations plus légères qui viennent aussi contribuer largement à notre bien être. Donc les réseaux sociaux permettent donc de contribuer à une meilleure qualité de vie et ont vraiment de quoi nous faire du bien.

Guillaume : Mais au delà de ces bénéfices qui sont réels, mais qui parfois nous donnent une vision peut être un peu édulcorée de la réalité, ça d'ailleurs on l'avait vu aussi dans notre épisode sur la comparaison sociale, on a des conférenciers comme Simon Sinek qui expliquent que les réseaux sociaux rendent addictif. Lui, il l'affirme carrément. 

Des propos qui sont relayés dans pas mal d'articles de presse plutôt négatifs et c'est un euphémisme. Qu'est ce que tu penses de ces arguments ?

 Est ce que ça a une vraie légitimité scientifique de parler d'addiction par rapport aux réseaux sociaux ?

Melissa : Le caractère addictif des réseaux sociaux fait débat, même au sein de la communauté scientifique. On a beaucoup d'études qui parlent de ces sujets où effectivement on trouve des associations. Entre le fait de passer beaucoup de temps à avoir des usages excessifs sur les réseaux sociaux et effectivement des problèmes de santé mentale et de diverses formes de détresse psychologique. 

Il faut comprendre que l’addiction pour les réseaux sociaux n’est pas prouvée scientifiquement mais est issue de corrélations remarquées.

Mais il faut bien comprendre que pour la vaste majorité des études, on parle bien de corrélations. Donc corrélation ça veut dire qu'on a une association, mais on ne parle pas de relation de cause à effet. C'est vraiment un sujet qui manque à beaucoup d'études en cyberpsychologie de manière globale, et donc ça ne reflète pas nécessairement le fait que les usages ont des conséquences sur la psychologie, mais bien qu'il y a souvent une co-ocurrence. C'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a une détresse psychologique, on peut aussi remarquer qu'on a un usage excessif des réseaux sociaux. Donc la légitimité scientifique ne me paraît pas bien appuyée dans ce cas. 

En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on a vraiment des corrélations. On a des associations entre des usages excessifs et de la détresse psychologique. Donc ce qui est intéressant sûrement, c'est de se focaliser sur les usages problématiques, non pas comme la cause de détresse psychologique, mais plutôt comme faisant partie d'une symptomatologie, c'est-à-dire d'un groupe de symptômes sous-jacents. 

Il faudrait s'intéresser aux facteurs de détresse psychologique présents dans le cas d’usages excessifs des réseaux sociaux, qui restent plus une conséquence que des déclencheurs.

Autrement dit, peut-être que les facteurs de détresse psychologique sont déjà présents lorsqu'il y a des usages excessifs et que finalement ces usages-là, quand ils deviennent excessifs, sont peut être un signal auquel il faut s'intéresser.

Guillaume : Oui, c'est sûr qu'il faudrait bien souvent plutôt s'intéresser au pourquoi d'un besoin excessif qu'à la simple fréquence d'usages visibles par toi et moi, et qui peut plus prêter à critiques ou en tout cas à interprétations diverses et variées.

Et tu parlais tout à l'heure du dévoilement de soi, et ça c'est une autre grande critique et crainte d'usage des réseaux sociaux, notamment chez les parents d'enfants ou d'adolescents. 

Est ce que ce n'est pas trop parfois sur les réseaux sociaux. Là, je fais un peu mon réac, mais est-ce qu'on ne met pas trop d'informations de nous ? On ne dévoile pas trop de nous sur les réseaux sociaux ? C'est quoi ton point de vue là-dessus ?

Melissa : Oui, ce serait nécessaire de pouvoir sensibiliser les plus jeunes pour pas qu'ils ne partagent des informations qui pourraient les mettre dans une situation d'insécurité, que ce soit des informations personnelles, bancaires ou autres, mais aussi des informations comme des news, des photos de nu qui pourraient les mettre en détresse psychologique si elles venaient à être plus partagées. Donc ça je pense que c'est des sujets qui sont évidents et qui méritent vraiment une sensibilisation chez les plus jeunes à partir du moment où ils ont un smartphone entre les mains au minimum.

Il serait vraiment nécessaire de mieux sensibiliser les jeunes générations au partage conscient ou pas d’informations personnelles sur les réseaux sociaux, pour éviter les potentiels préjudices moraux.

Après, sur le reste des informations, ce qu'il faut comprendre, c'est que oui, heureusement, on peut choisir ce qu'on poste et c'est une chose. Mais beaucoup d'informations à notre sujet vont bien au-delà de ce qu'on poste. Et donc c'est intéressant de comprendre la question des données privées parce qu'en fait on se dévoile, mais beaucoup plus que l'on pense. La majorité des gens, par exemple, ne touchent pas à leurs options de confidentialité lorsqu'ils téléchargent une nouvelle app. Pourquoi ? Parce que, en gros, quand on télécharge une app, c'est qu'on en a déjà besoin, donc on va vite pour l'ouvrir.

Pourtant, ça prendrait que quelques minutes. Mais déjà ça veut dire que les applications qui sont elles avec la vocation qu'on soit de plus en plus engagé, qu'on partage de plus en plus, elle vont avoir tendance à avoir des options confidentialité qui vont, par défaut, nous amener à partager le plus d'informations possibles. Sur des app gratuites comme les réseaux sociaux : si c'est gratuit, c'est que le produit c'est bien nous ou en tout cas nos données. 

Aujourd’hui il a été démontré que la simple analyse des like par les applications sociales permettent de dessiner de manière assez fidèle le profil d’un·e utilisateurice.

Donc voilà, du fait qu'on va se dévoiler de manière plus ou moins active avec les posts et puis avec ces options de confidentialité que l'on choisit ou pas, on a déjà des scientifiques de l'université de Cambridge en Angleterre qui ont pu montrer qu'avec des algorithmes qui se basent rien qu'avec des 'like', c'est-à-dire que rien qu'en se basant sur les 'like' comme source de données, on pouvait établir des hypothèses extrêmement fiables sur des informations très sensibles qu'un utilisateur ne partage pas. Donc là, on parle de simplement partager malgré nous,, des informations ultra sensibles comme l'orientation sexuelle, mais aussi d'opinion politique et j'en passe.

Donc finalement, même sans partager explicitement qui on est, ce qu'on pense, rien qu'avec des 'like' et d'une activité sur les réseaux sociaux, il est possible d'en savoir beaucoup beaucoup sur nous. Donc ça peut être beaucoup moins flagrant, mais on se dévoile beaucoup plus qu'on ne le croit. Et puis après, on a vu qu'il y avait aussi ce risque de comparaison sociale. C'était vraiment le focus de l'épisode 4. Avec une perception biaisée de la réalité et de la des posts des autres qui peuvent nous amener parfois à nous, à nous dénigrer même de manière passive. 

Il faut garder en tête que les réseaux sociaux sont d’excellentes plateformes pour rencontrer des personnes qui nous ressemblent - ou pas ! - mais qu’il faut les utiliser en reconnaissant nos biais pour éviter de trop s’y laisser aller.

Donc les réseaux sociaux sont une très belle opportunité pour assouvir nos besoins sociaux et c'est ça aussi qui fait qu'on est très motivé à pouvoir aller en profiter. Encore faut-il connaître les biais cognitifs pour éviter la comparaison sociale, et éventuellement avoir quelques réflexes simples sur les questions de confidentialité pour ne pas partager outre mesure.

Guillaume : Ce qui est certain, c'est que les réseaux sociaux sont encore peu compris à cause du fait que leurs usages évoluent très rapidement. Il y a des mises à jour d'applications régulières, des paradigmes on va dire aussi, qui peuvent changer avec le glissement vers l'usage de la vidéo plutôt que de la photo, etc... Donc c'est assez logique aussi de se sentir un petit peu perdu dans ces usages. 

Mais c'est aussi pour ça qu'il y a des gens comme nous et des podcasts comme Micro-Ondes Cérébrales qui sont là pour vous donner les clés de notre cerveau et de notre comportement en ligne.

Melissa : Exactement. Donc pour résumer, les réseaux sociaux sont tout autant d'opportunités pour notre bien-être, grâce aux interactions sociales et pour la construction de notre identité, mais peuvent aussi apporter d'autres connexions, même plus légères, sur les sujets qui nous stimulent. 

En revanche, si les usages deviennent problématiques, il est important de se poser la question du pourquoi, au-delà de l'usage simple des réseaux sociaux.

Guillaume : Effectivement, et je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir dans d'autres épisodes parce que c'est la première brique de ce sujet qui est vaste et dans lequel il y a plein plein de petites voies parallèles à explorer. Donc à mon avis, restez connectés et à l'écoute, on y reviendra certainement.

En attendant, n'hésitez pas à continuer de liker, de commenter et de partager cet épisode au sein de vos réseaux, voire si le cœur vous en dit de nous mettre cinq étoiles sur Apple Podcast et Spotify avec un petit commentaire sympa pour soutenir l'émission. Ça fait plaisir, et puis ça permet à l'émission d'être diffusée à plus large échelle dans la catégorie dans laquelle elle est.

N'oubliez pas non plus que la transcription de cet épisode est disponible sur notre site. Le lien est dans la description du podcast.

Enfin, à chaque fois on le répète maintenant, on serait ravis de recevoir vos anecdotes d'usages des réseaux sociaux. Est-ce-que les réseaux sociaux pour vous, c'est une fenêtre de respiration dans votre quotidien, ou au contraire c'est devenu une prison que vous ne pouvez pas malheureusement vous empêcher d'arpenter?

N'hésitez pas à nous en parler, c'est totalement anonyme, évidemment, et c'est grâce au répondeur de l'émission présent également dans la description de ce podcast que vous pouvez le faire. C'est très simple à utiliser, surtout avec un smartphone : en quelques clics, vous envoyez un petit audio.

Donc n'hésitez pas, et nous on se fera un plaisir de répondre à vos interrogations, ou en tout cas de partir de vos messages pour élaborer de nouveaux épisodes dans le futur. 

En tout cas, d'ici là, on se retrouve bientôt et je te dis merci et à très vite Mélissa.

Melissa : Merci Guillaume ! À bientôt !

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