#3 Fake News : Saupoudrez d'esprit critique les recettes de la vérité !

Les fake news ont pris beaucoup d'importance ces dernières années. Essayons de comprendre comment elles sont fabriquées et en quoi elles se basent sur les biais du cerveau pour prospérer.

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La transcription

Guillaume : Bonjour à tous et à toutes. Bienvenue dans ce troisième épisode de Micro-Ondes Cérébrales, le podcast qui réchauffe vos méninges. Moi c'est Guillaume et je suis avec Melissa. Salut Melissa !

Mélissa : Salut !

Guillaume : Dans cet épisode, on va vous parler d'un phénomène qui a pris beaucoup d'importance ces dernières années dans nos réseaux sociaux et dans les plus hautes sphères de la société, c'est à dire les "fake news". Alors on va essayer de comprendre comment sont faites des fake news, d'où est-ce qu'elles viennent, en quoi elles se basent sur les biais du cerveau pour prospérer et s'infuser comme ça dans les différentes strates de la société. Et puis bien sûr, on va vous donner ensuite un petit guide d'autodéfense cérébrale contre les fake news comme on fait à chaque fois. En tout cas, perso, quand j'entends parler de fake news, je pense direct à Donald Trump qui a un peu institutionnalisé ce terme. Est ce que ça a du sens, Mélissa, de faire cette association ?

Mélissa : Ben oui, effectivement, et puis on entend beaucoup parler ces derniers mois et même ces dernières années, des fake news. Avec notamment la fake news, des élections truquées, voire volées, aux États-Unis à l'occasion de l'élection présidentielle 2020. Et qui ont contribué à l'indignation d'une partie de la population et, pour les plus fervents d'entre eux, à l'assaut du Capitole, dont aujourd'hui il est de plus en plus démontré, non seulement l'implication de Donald Trump, mais aussi de l'initiation, le rôle d'initiateur dans ce malheureux fait.

Guillaume : Par contre, Melissa, on n'a que quinze minutes dans cet épisode, tu sais. Donc je ne sais pas trop comment on va réussir à faire passer la question de la démocratie et du fonctionnement du cerveau au même temps dans un même épisode.

Mélissa : Alors je te rassure, ça prendra pas dix secondes. En fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que la démocratie, elle repose aussi sur la manière dont on se représente le gouvernement et ses institutions. Et quand on se représente quelque chose, on se représente ça dans le cerveau.

Des chercheurs ont révélé que les fake news amènent de la confusion et de la méfiance envers les institutions et entre les communautés de citoyens qui deviennent de plus en plus polarisées.

Et en fait, c'est justement ça, le rôle des fake news ! C'est-à-dire qu'elles sont faites pour indigner une partie de la population, et mettre en valeur une personnalité politique ou des mouvements politiques. Et il se trouve que les fake news comportent donc des propriétés bien précises, et qui se basent justement sur les biais du cerveau qui nous rend particulièrement vulnérables à ces fake news quand on est en ligne.

Guillaume : Et du coup une fake news en fait ça raconte n'importe quoi, mais ça le fait bien, c'est ça ?

Mélissa : Oui ! En tout cas, c'est un vrai cahier des charges pour construire une fake news, avec en général trois facteurs qui s'appuient pour chacun d'entre eux sur le fonctionnement du cerveau. Donc tout d'abord on aura le design, donc l'apparence. Il se trouve que les sites de fake news et les comptes, en général, des plateformes et des profils qui ont des codes graphiques qui vont apparaître suffisamment légitimes, notamment parce qu'ils ressemblent à ceux qui sont légitimes, vont donc être un peu déguisés en sites véritables de confiance.

Et puis après, il faut aussi savoir s'assurer du nom, parce qu'on a des noms qui peuvent paraître crédibles, mais qui ne le sont pas vraiment parce qu'ils sont inventés, ou alors ils ne sont pas des sites déposés, etc... Donc les liens (URL), avec les les d'autres sites institutionnels, permettent de vérifier les faits quand on va les consulter. Le problème c'est qu'avec toutes les informations que le cerveau a à traiter, et bien quand on arrive sur un site ou même sur un compte, on va très vite associer et estimer les informations, d'abord visuelles avant de s'intéresser au contenu. Donc en gros, si je suis un site et que j'ai l'air tout beau et tout fiable, et bien ça va déjà m'accorder une certaine crédibilité, même si en terme de contenu, il y a écrit vraiment n'importe quoi.

Rien qu'avec un visuel correctement réalisé, le cerveau attribue déjà une dimension de crédibilité.

Ça, c'est ce qu'on appelle le biais de cadrage, c'est à dire que c'est un biais qui va nous faire interpréter une information en fonction de la manière dont elle nous est présentée, plutôt que d'en faire une analyse en terme de contenu et de faire une analyse factuelle de l'information. Et les chercheurs ont pu démontrer que sur des sites aussi critiques que des sites financiers, le facteur le plus important pour faire confiance aux plateformes proposées était bel et bien le visuel, donc le graphisme.

Guillaume : D'ailleurs, ça marche aussi un peu dans l'autre sens. Finalement, il peut y avoir aussi des sites qui proposent des informations tout à fait valables mais qui, par leur design potentiellement jugé un peu amateur, peuvent paraître peut être moins légitimes que d'autres. Mais au delà de ces sites Internet, je pense que tu vas évidemment être d'accord avec moi : les réseaux sociaux aujourd'hui ont joué un grand rôle dans la diffusion de ces fake news parce que finalement sur les réseaux sociaux, tout se ressemble un petit peu. Un post légitime ressemblera très fortement à un post non légitime ou en tout cas dont la source sera peut être plus discutable. Donc cet aspect visuel, ça doit pas suffire, j'imagine.

Mélissa : Non, effectivement, les sites qui sont, entre guillemets déguisés, sont qu'une partie du problème. Puisque les fake news percent beaucoup dans le brouhaha des discussions sur les réseaux. Et là, il va falloir avoir d'autres facteurs. Et l'un de ces facteurs-là va être une charge émotionnelle très forte pour attirer l'attention. Parce que ces fake news, en général ont une charge émotionnelle négative. C'est-à-dire que, en général, les fake news c'est rarement des bonnes nouvelles. Et en général, c'est vraiment pour susciter de l'indignation. Donc on a une charge émotionnelle négative par quelque chose de choquant, quelque chose de surprenant.

Pourquoi notre cerveau retient bien les Fake news ? Parce qu'il est confronté à ce qu'on appelle le biais de négativité. Il va mémoriser et accorder plus d'importance à des informations chargées émotionnellement de manière négative qu'a des informations chargées émotionnellement de manière positive.

Et ça d'ailleurs, c'est ce serait lié. Les théories se basent sur le fait que ce biais négativité reflèterait des mécanismes de survie pour mieux imprimer les dangers et donc adapter nos comportements. Donc les fake news avec cette charge émotionnelle négative sont plus puissantes et elles nous rendent encore plus vulnérables, parce qu'elles vont prendre plus d'importance pour nous.

Guillaume : OK. Si on revient quand même à ce qu'est une fake news, parfois on se dit quand même que ces fake news sont vraiment tellement peu crédibles, tellement absurdes que évidemment ça peut pas réussir à convaincre qui que ce soit. Et pourtant, si ça arrive à convaincre des milliers, voire des millions de personnes. Comment on peut expliquer que de telles informations, qui peuvent paraître à ce point décalées de la réalité, convainquent autant de personnes. Comment on peut expliquer cette propagande, finalement ?

Mélissa : Et bien, on a d'autres biais. On a déjà le biais de l'illusion de vérité. Et ça, c'est un biais qui est très important pour la diffusion et donc l'adhésion à une fake news. En fait, ce biais, c'est ce qui va nous faire considérer, accepter comme vraie, une information ou une idée uniquement parce qu'elle est suffisamment répétée. Et ce qui est très intéressant, c'est qu'il a été démontré que ça, ce biais d'illusion de vérité, fonctionne même s'il s'agit d'une information que l'on savait déjà fausse auparavant. Donc, en fait, à partir du moment où une information, aussi absurde soit elle, nous est répétée suffisamment de fois, on est capable de l'accepter comme vraie. Et donc les fake news qui ont déjà une charge émotionnelle forte, donc déjà qui vont prendre de l'importance, qui vont donc être mémorisées, etc... vont permettre aussi à ces répétitions de prendre la même dimension dans notre cerveau. Et donc, à force de répétitions, elles vont créer une adhésion qui va être facilitée.

Il faut se rendre compte aussi que sur les réseaux sociaux, nous avons ce que l'on appelle les bulles de filtres. C'est-à-dire que les algorithmes vont avoir tendance à nous exposer des informations qui seront cohérentes entre elles, autour des mêmes thèmes.

Pourquoi ? Parce que ça se base sur nos préférences, ce qu'on a préféré consulter avant. Et donc tout ça va aussi favoriser l'occasion de répétitions, de ré-exposition à ces informations qui peuvent être absurdes quand on commence. Et du coup, encore une fois par le biais de l'illusion de vérité, nous faire encore plus facilement adhérer à une information absurde quand on aura mis le doigt dans l'engrenage.

Guillaume : Ok.

Mélissa : Donc on a ces algorithmes. Et puis un dernier point aussi sur les réseaux sociaux, on a aussi le biais d'autorité. C'est à dire qu'à partir du moment ou on a des personnalités que l'on aime beaucoup, qui ont beaucoup de followers, etc... on va leur accorder plus de crédibilité. On en parlera dans un autre podcast, plus en détails. Mais le biais d'autorité, en gros, fait qu'une information est crédible juste parce qu'on a un profil ou une personnalité qui est crédible dans un domaine qui est complètement différent. Ça aussi, ça va jouer un grand rôle dans la diffusion des fake news. À partir de moment où il y aura des personnes avec beaucoup de followers qui affichent une dimension crédible, même sur un domaine qui n'a rien à voir, et qui du coup vont créer beaucoup d'adhésion à des idées parfois effectivement absurdes.

Guillaume : OK, c'est hyper intéressant de voir comment on se construit nous-mêmes notre propre vérité à partir de toutes ces constructions et de tous ces biais. Justement, comme on l'a dit au début, comment on peut faire pour s'armer ? En tout cas devenir un vrai petit détecteur à fake news dans notre quotidien ? Comment on fait quand on se retrouve face à une information qui peut nous sembler un peu suspicieuse, ou en tout cas sur laquelle on a envie un petit peu de creuser ? C'est quoi un petit peu nos armes par rapport à ça ?

Mélissa : Eh bien, tout d'abord, on a parlé du biais de négativité, c'est à dire du fait que les fake news sont de toute façon en général porteuses de mauvaises nouvelles. Dans l'actualité, on a un lot de mauvaises nouvelles qui sont tout à fait légitimes, qui font part de faits absolument réels. En revanche, quand il s'agira de fake news à diffuser, on va avoir des titres qui vont être plutôt sensationnels : avec des points d'exclamation, un titre un peu avec qui va pouvoir conférer une idée de suspense, quelque chose qui n'est pas assez descriptif et où on a déjà une neutralité qui n'est pas très présente de la part de l'auteur. Donc un titre qui nous paraît "sensas' " déjà doit nous alerter. C'est à dire que même pour une information donnée qui est négative, c'est le titre "en rajoute" en mode "tabloïd concrètement, c'est déjà un signal pour le fait qu'il s'agit donc peut-être d'une fake news. Ensuite, on va avoir l'idée de diversifier ses sources.

On a des sources locales, on a des sources nationales, donc il faut savoir aussi vérifier les faits. Au-delà même des personnalités sur les réseaux sociaux. Des personnalités, il faut comprendre que, que ce soit intentionnel ou pas, sont aussi soumises à ces biais. Donc ça ne veut pas dire que toutes les personnalités qui diffusent des fake news ont l'intention de le faire, mais en tout cas, elles sont vulnérables à l'idée d'adhérer à une fake news et donc de la diffuser.

Il ne faut pas simplement "faire confiance", à cause de ce biais d'autorité, aux personnalités mais vérifier les sources. Ce n'est pas parce que c'est populaire que c'est vrai.

Ce n'est pas parce que c'est partagé que c'est vrai. Donc bien aussi être factuel, non seulement vérifier à partir de sources, mais si on a l'impression que c'est vrai juste parce que c'est partagé, ce n'est pas suffisant. Il faut aller voir des sources qui permettent de démontrer les faits. La diversification des sources, c'est vraiment un élément clé pour s'armer contre les fake news. 

Pourquoi ? Parce que déjà, ça nous permet d'avoir plusieurs visions avec des lignes éditoriales différentes. Même si on a par exemple une une opinion politique ou une orientation politique, rien ne nous empêche d'aller voir d'autres gens. C'est aussi comme ça qu'on comprend comment, à force, comment, justement, les articles sont faits, et le positionnement potentiellement systématique que certains articles auront ou pas. Et ça nous rendra beaucoup plus aptes à trier le vrai du faux. J'ai un exemple aussi qui peut être intéressant pour ceux qui nous écoutent et qui est déjà assez connu. Mais par exemple, on a un journal qui est très intéressant, qui nous permet déjà de diversifier nos sources sur toute l'actualité internationale. C'est donc Courrier International. C'est-à-dire que c'est un rassemblement d'articles de journaux internationaux qui ont chacun leur ligne éditoriale, et qui permettent d'offrir une perspective beaucoup plus riche, beaucoup plus diverse et moins orientée que si on lisait qu'un seul journal. Et puis aussi, ce qui va être important... Parce que s'armer contre les fake news, c'est déjà s'armer pour pouvoir distinguer "le vrai du faux".

Il faut aussi savoir vivre dans une société où les fake news existent. Quand nos proches ou des personnes avec qui on aime discuter, ont malheureusement adhéré à une fake news, il faut aussi accepter la réalité des bulles de filtres auxquelles ces personnes sont soumises.

Pour être beaucoup plus emphatique et dans la tolérance, il ne s'agit pas d'avoir de la condescendance, mais en tout cas de s'assurer qu'on reste apaisé dans les débats. Pourquoi ? Parce que la réalité à laquelle on est exposé et la réalité à laquelle sont exposés d'autres ne sont pas 100 % superposables. Et donc, il faut aussi avoir beaucoup de tolérance pour justement avoir des échanges qui permettent beaucoup plus d'être constructifs sans les rendre trop vite stériles.

Guillaume : On a effectivement aujourd'hui on estime qu'on est dans l'ère de la post-vérité quelque part, c'est à dire que tout n'est pas, ne peut pas être qualifié de faux ou de vrai, qu'il faut de toute façon creuser. Et comme tu dis, trouver la source, les sources de personnes, d'autorité pour justement confronter ses points de vue et essayer de ne pas s'enfermer dans une pensée dogmatique sur tel ou tel propos. Et d'ailleurs, c'est ce que moi j'ai envie d'apporter un peu aussi dans ce que tu dis : c'est ce propos de la fake news, il concerne à peu près toutes les personnes qui prennent la parole aujourd'hui de manière publique. C'est-à-dire qu'il faut faire cet effort de questionner, même quand on a le sentiment aujourd'hui d'adhérer peut-être fortement à une prise de parole qui pourrait paraître légitime. Il faut pouvoir aussi avoir ce regard critique, tout simplement parce que c'est important aussi d'avoir un regard critique dans la société dans laquelle on vit.

Mélissa : Tout à fait. Et avoir ce regard, ce regard critique ne doit pas nous opposer les uns les autres. Et c'est d'autant plus important effectivement de rester positif, de rester apaisé quand on quand on questionne. Parce qu'en fait c'est ça le rôle des fake news, c'est de toute façon de créer de l'indignation et en fait de créer du rejet envers une personnalité, une institution. Et parfois donc, une fois que la fake news a rencontré son audience, de provoquer aussi une opposition entre des communautés.

Donc l'une des armes justement, c'est de travailler à ne pas s'opposer systématiquement, même si on a une vision de la réalité qui est différente. Il faut comprendre que les fake news, et on vient de le voir là, sont très bien faites ! Et il ne faut pas négliger tout le travail d'ingénierie, si je peux m'exprimer ainsi, qui amène les fake news à trouver leur public, et donc être tolérant les uns envers les autres pour mieux questionner les informations, mieux diversifier ses sources, s'intéresser à des personnes qui ont des discours différents, c'est aussi une manière de diversifier ses sources.

C'est grâce à ces représentations diverses que l'on peut davantage maintenir, développer son esprit critique, et lutter contre fake news.

Guillaume : Et bien merci Melissa, c'est la fin de ce troisième épisode de Micro-ondes Cérébrales. C'est super intéressant, on espère que ça vous aura plus. N'hésitez pas à nous partager sur vos réseaux Twitter et Instagram vos anecdotes à propos de fake news. Des fake news peut être qui vous ont marqués, celles que vous avez dû "débunké", comme on dit. Celles peut-être que vous avez pris pour argent comptant et qui peut-être plusieurs mois plus tard, vous ont faits vous rendre compte qu'elles n'étaient pas si justes que ça. Voilà, c'est comme d'habitude. Ça nous intéresse vachement de savoir quelle stratégie vous avez mis en place pour avoir cette fameux esprit critique par rapport à ces informations dont on est aujourd'hui inondés, il faut bien le dire, à travers tous les canaux possibles et imaginables. Nous, on se retrouve comme d'habitude dans deux semaines pour un nouvel épisode. Salut Melissa !

Mélissa : Salut Guillaume ! Merci !

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