#11 Les groupes sociaux : le meilleur et le pire d'internet

Continuons de traiter des réseaux sociaux cette fois-ci sous l'angle des groupes et des communautés que l'on peut rejoindre ! On va essayer de comprendre pourquoi nous adhérons à de tels groupes, mais aussi les précautions à prendre.

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Guillaume : Bonjour à tous et bonjour à toutes . Bienvenue dans ce nouvel épisode de Micro-Ondes Cérébrales, le podcast qui réchauffe vos ménages. Moi, c'est Guillaume et je suis avec Mélissa, salut Mélissa !

Mélissa : Salut !

Guillaume : Dans cet épisode, nous continuons de traiter des réseaux sociaux. Un sujet infini, je crois. Cette fois-ci sous l'angle des groupes et des communautés que l'on peut rejoindre, voire même carrément créer.

En effet, la majeure partie d'entre nous appartiennent depuis longtemps à différents groupes sur leurs réseaux, qu'il s'agisse de groupes familiaux, d'amis ou encore de personnes qui se retrouvent autour d'un intérêt commun, une passion.

Des groupes qui sont, dans la majorité des cas, utiles pour nous permettre de nous connecter, de s'informer et d'interagir.

Dans cet épisode, on va essayer de comprendre pourquoi nous adhérons à de tels groupes, mais aussi les précautions à prendre pour identifier des groupes bienveillants et éviter ceux qui peuvent être toxiques ou dangereux.

Alors Mélissa, pour commencer, comment on peut expliquer déjà le succès des groupes sur les réseaux sociaux.

Mélissa : Alors, on l'a vu dans quelques épisodes déjà, et notamment celui sur les relations parasociales, entre autres, mais l'être humain est un animal social. Nous avons donc besoin de nous connecter aux autres. Et les groupes, les communautés, étendent largement le spectre des possibilités de connexion. Donc, on est plus simplement limité aux contacts déjà existants, et grâce aux groupes, on a accès à beaucoup plus de gens.

L'être humain est un animal social, nous avons donc besoin de nous connecter aux autres. Et les groupes, les communautés, étendent largement le spectre des possibilités.

Ensuite, même si les groupes existent en ligne et hors ligne, le fait d'être en ligne permet d'être plus inclusifs. C'est à dire qu'on peut dire que c'est plus facile d'interagir, il n'y a plus de distances géographiques, il n'y a plus de contraintes de temps, car on peut communiquer en différé. Et on a aussi moins de pression sociale comme celle qu'on pourrait ressentir en présentiel.

Guillaume : Oui, c'est vrai que c'est souvent a priori une belle opportunité pour rencontrer de nouvelles personnes. Pour l'anecdote, je sais que ma compagne a par exemple, toujours essayer de trouver sur Facebook les groupes français à l'étranger, pour découvrir les bons plans, préparer ses voyages.

C'est souvent des groupes qui sont assez bienveillants et qui donnent vraiment des informations pratiques. C'est assez cool.

Mais, je vais me faire aussi l'avocat du diable. Parce que j'imagine que le fait d'être impliqué dans un groupe, ça peut aussi influencer nos comportements sur le moyen long terme, pour le meilleur comme pour le pire, car au final, on vient souvent y chercher des réponses ou à minima, des personnes qui partagent nos points de vue.

Est ce que la multiplication de groupes divers et variés, avec justement ces points de vue divers et variés, amène plus de positif que de négatif dans notre société pour toi ?

Mélissa : Ça dépend parce qu'on peut avoir tous types de groupe qui peuvent être gérés par des personnes qui ont des objectifs et des biais distincts. On peut prendre l'exemple des groupes de soutien. Donc les groupes de soutien, ça va plutôt être des groupes où on a des personnes qui traversent une épreuve de la vie pour pouvoir s'entraider et s'informer, trouver des nouvelles ressources. Donc, a priori, c'est super.

Si par exemple une personne se trouve atteinte d'une maladie relativement rare, il devient accessible, grâce à ces groupes de soutien, de pouvoir connecter avec d'autres personnes traversant la même chose.

Et effectivement, les groupes de soutien peuvent être spécifiques, par exemple, à des conditions médicales, à des situations familiales ou même sentimentales. Et si on est une personne, par exemple, avec une maladie relativement rare, grâce à ces groupes de soutien sur les réseaux, il devient accessible de pouvoir connecter avec une autre personne qui a pu ou qui traverse la même chose. Donc là, évidemment, on a beaucoup moins de barrières pour trouver du soutien psychologique, mais aussi des informations, des conseils pour traverser cette épreuve.

Mais même des groupes pour certaines conditions médicales peuvent être dangereux. Par exemple, on a des groupes pour personnes anorexiques et qui vont, non pas encourager le rétablissement, mais valoriser davantage la maigreur, même si cela est a priori dangereux pour les utilisateurs et les utilisatrices du groupe qui seront donc vulnérables.

Mais on peut aussi rencontrer des groupes valorisant des pratiques dangereuses pour la santé, comme les "pro-ana" qui encourage l'anorexie.

On appelle par exemple ces groupes, dans le cas de l'anorexie, les groupes "pro-ana". On va y promouvoir l'écart entre les cuisses, ce qu'on appelle le bikini bridge, le pont fait par les vêtements quand il est tenu que par les os des hanches. Et puis, bien sûr, avec des hashtags, associés du type «thinspiration », en français «mincepiration » en contractant le mot mince et inspiration.

Guillaume : Oui, c'est vraiment assez effrayant quand on pense à ce genre de tendances et le fait qu'on puisse se réunir autour de pratiques dangereuses comme ça, et c'est malheureusement un exemple parmi tant d'autres.

Côté Internet et réseaux sociaux, c'est d'ailleurs un peu la chasse aux hashtags problématiques. Dans ces cas là, on peut imaginer que, peut-être, c'est un peu plus facile de repérer ces sujets, surtout quand ils sont dits « tendances » ? Même si Internet est presque infini.

Mélissa : Oui, en effet, pendant un temps, Instagram avait notamment banni les hashtags #proana ou #thinspiration. Mais finalement, les personnes qui souhaitent de toute façon interagir sur ces thèmes ajoutaient des voyelles à leurs mots pour passer entre guillemets « inaperçus », donc c'est vite compliqué.

Guillaume : Il faut savoir qu'il y a d'ailleurs, notamment dans la sphère dite « complotiste », le développement de tout un vocabulaire parallèle pour parler de sujets précis sans se faire bannir ou en tout cas identifier par les plateformes.

C'est vraiment des manières dont s'est développée l'identification à certains sujets, ce qui est à la fois très intéressant et parfois un peu inquiétant aussi.

Bon, quand on nous le dit comme ça, ça ne paraît pas simple de tomber dans ce genre de pensées marginales, qu'est ce qui fait que certaines personnes font ce pas de côté, voire même dans des cas extrêmes, se radicalisent en rejoignant des groupes particluliers ?

Mélissa : Là encore, il faut comprendre le cerveau. Ce dernier a besoin de connexions sociales et c'est justement plutôt des personnes qui se sentiront isolées socialement, qui seront davantage vulnérables au biais de groupes. C'est à dire que si on se sent isolé, et ça peut être même après une dispute avec ses parents ou sa moitié, le fait d'être enfin accepté dans un groupe, en ligne ou pas, sera beaucoup plus important. On a déjà le fait d'appartenir à un groupe pour répondre à un besoin que l'on ne retrouve pas suffisamment ailleurs.

Le cerveau a besoin de connexions sociales et c'est justement plutôt des personnes qui se sentiront isolées socialement, qui seront davantage vulnérables au biais de groupes.

La deuxième chose, c'est qu'il y a aussi le fait d'avoir un rôle valorisant, potentiellement, une fois qu'on entre dans le groupe. Qu'il s'agisse d'encourager des leaders ou soi-même d'embarquer de nouvelles personnes, de partager son expérience ou des exemples, ça permet d'être valorisé par l'intermédiaire de likes ou de compliments ou d'encouragement divers et variés. Ça permet de se sentir utile et d'avoir ce sentiment d'influence qu'on ne va pas forcément, encore une fois, retrouver ailleurs non plus.

Il faut comprendre que la vulnérabilité d'une personne peut le faire tomber dans le piège du biais d'optimisme, faisant confiance à des personnes autour desquelles elle se sentirait bien.

La troisième chose sur les comportements marginaux, car tu évoquais le thème de la radicalisation, c'est qu'il faut comprendre que la vulnérabilité d'une personne peut lui faire encore une fois tomber dans le piège du biais d'optimisme, en faisant confiance à des personnes autour desquelles elle se sentirait bien.

Guillaume : Au delà de ces interactions qu'on l'on peut avoir avec ces personnes, qui peuvent faire grandir un intérêt ou un attachement au groupe, on a aussi des mécaniques particulières de traitement de l'information, avec dans certains groupes, dont c'est d'ailleurs parfois la raison même d'être, la diffusion d'informations fausses pour séduire leurs membres. Les fameuses fake news et autres désinformations.

Là, on est au delà du lien social avec ces pratiques. Ce genre d'informations peuvent vraiment engendrer une confusion entre la réalité et cette désinformation sur la durée ?

Mélissa : Oui, tout à fait. Il faut ajouter à cela le biais de confirmation et le biais d'illusion de vérité qu'on a déjà vu dans le podcast sur les fake news, qui sont des biais cognitifs qui peuvent nous faire perdre le lien avec la réalité des faits. Donc, dans un groupe, on va être soumis à plusieurs personnes qui vont encourager une idée qui, même extrême, peut paraître vraie, car répétée ou encouragée.

Guillaume : Oui, effectivement, comme tu viens de le dire, ce sont des sujets qu'on a déjà abordés dans certains de nos épisodes, notamment consacrés aux fake news, à la comparaison sociale ou aux relations parasociales.

N'hésitez pas à les écouter... La petite pub pour nos autres épisodes.

En tout cas, tout ça, c'était un peu sombre et encore, on n'a pas abordé plein d'autres exemples comme, par exemple celui des groupes qui se forment, notamment sur Discord, pour se réunir autour de pratiques condamnables comme le porno à base de deepfake qui, à juste titre, a défrayé la chronique l'année dernière.

Si on essaie d'être un peu positif quand même et d'explorer le côté plus encourageant des groupes et des communautés virtuelles, ça donne quoi ?

Mélissa : On peut trouver évidemment beaucoup de positifs.

La plupart des groupes rassemblent des personnes justement là pour trouver de l'écoute et de la bienveillance.

C'est grâce aux groupes sur les réseaux sociaux que certains mouvements peuvent aussi exister pour faire progresser la société et donner une voix à des personnes qui méritent d'être entendues.

Guillaume : Oui, ça a été le cas, notamment lors du mouvement #metoo, par exemple, mais aussi avec Black Lives Matters ou encore sur la sensibilisation autour des questions écologiques, etc.

On voit que les communautés, et notamment les plus jeunes, se créent des espaces pour faire valoir des points de vue positifs, plus proactifs aussi, et s'organiser dans des actions concrètes sur des sujets qui méritent l'attention de la société.

Et de manière plus légère aussi, on peut voir que la création de communautés, c'est vraiment devenu un enjeu pour les créateur.ices de contenus sur Internet. Des groupes qui sont bien souvent des extensions de leur univers, dans lesquels on peut retrouver d'autres personnes qui partagent les mêmes intérêts que soi, voire même, pour les créateur.ices, une force vive qui participe très directement au succès de la plateforme, du stream, de la chaîne YouTube, de la chaîne TikTok, etc.

La création de communautés, c'est vraiment devenu un enjeu pour les créateur.ices de contenus sur Internet. Des groupes qui sont bien souvent des extensions de leur univers, dans lesquels on peut retrouver d'autres personnes qui partagent les mêmes intérêts que soi, voire même, pour les créateur.ices, une force vive.

Pour résumer, les groupes, c'est évidemment tout autant d'opportunités pour se connecter, partager des intérêts et puis faire élever aussi le débat d'un point de vue sociétal. C'est important de le dire !

Et si on revient un peu aux situations un peu plus difficiles à gérer, un peu plus sombres, comment on fait tout de même pour éviter le pire, pour ne pas se retrouver piégé dans un groupe qui serait toxique sans qu'on s'en rende vraiment compte ?

Mélissa : C'est là que ça demande un peu d'introspection. S'admettre que l'on pourrait traverser une période vulnérable peut nous permettre d'être plus vigilants aussi, car le biais d'optimisme pour être accepté dans un groupe va donc être fort et peut nous faire négliger les signaux dont il faudrait se méfier.

Ensuite, une fois que l'on interagit dans un groupe, c'est important de savoir ce que l'on y fait, ce qu'on dit aussi. Est ce que c'est en accord avec nos valeurs ? Est ce que ce sont des choses que l'on cache en ayant honte ou plutôt en étant fier ? Car c'est quelque chose qui nous ressemble vraiment. Ça aussi, c'est des questions qui valent la peine de se poser. Ça paraît idiot, mais c'est en ayant ces séquences d'introspection que l'on peut éviter le pire.

Une fois que l'on interagit dans un groupe, c'est important de savoir ce que l'on y fait, ce qu'on dit aussi. Est-ce que c'est en accord avec nos valeurs ? Est-ce que ce sont des choses que l'on cache en ayant honte ou plutôt en étant fier ?

Et puis attention, ce n'est pas la loi du tout ou rien. On peut toujours aller vérifier des informations comme on essaie de filtrer les fake news et réévaluer ce que le groupe peut véhiculer ou tolérer.

Guillaume : En effet, merci beaucoup, Mélissa, pour cet éclairage de ce besoin que l'on ressent d'appartenir à une communauté.

Gageons qu'Internet abrite de plus en plus de ces "safe spaces", ces lieux virtuels sains permettant de construire des valeurs plus progressistes ensemble, autour ou pas de figures publiques d'ailleurs, plutôt que de servir de zones de non-droit propres à faire grandir ce que l'humanité fait de pire. Malheureusement, Internet est aussi doué pour ça.

Gageons qu'Internet abrite de plus en plus de ces "safe spaces", ces lieux virtuels sains permettant de construire des valeurs plus progressistes ensemble.

C'est un vœux pieux pour 2024, mais chez Micro-Ondes Cérébrales, on a envie d'y croire. On a envie de penser que la création toujours plus grande de ces communautés, elle est là pour nous faire évoluer, nous rassembler plutôt que de nous diviser.

C'est la fin de cet épisode. N'hésitez pas à continuer de liker, de commenter et de partager tout ça au sein de vos réseaux, si le cœur vous en dit, et de nous mettre les cinq petites étoiles qui vont bien sur Apple Podcasts ou Spotify pour soutenir l'émission.

N'oubliez pas non plus que la transcription de cet épisode est disponible sur notre site. Le lien est dans la description de ce podcast.

Enfin, on sera ravis, comme d'habitude, de recevoir vos anecdotes d'usage des groupes, que ça soit sur Facebook, les réseaux sociaux de manière générale, Discord ou autres Slack.

Est ce que ça vous aide au quotidien ou est ce que vous vous posez des questions sur leurs bienfaits, n'hésitez pas à nous remonter tout ça. C'est totalement anonyme, évidemment, et c'est grâce au répondeur de l'émission présents dans la description du podcast que vous pourrez réaliser ce petit audio très simple à utiliser, surtout avec un smartphone, n'hésitez pas.

D'ici là, merci beaucoup, à tous d'abord. Je vous dis ça et à très vite.

Mélissa : Salut !

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